Pour les moments où tout le monde se retrouve, quand on est entouré seulement des gens qu'on aime, quand on partage des rires et des sourires, quand on se soutient et qu'on se taquine, quand on squatte les genoux du premier qu'on croise, et pour les étoiles dans les yeux des plus petits.
Pour le carpe diem auquel on croit si fort dans ces moments là.
Pour toutes les photos qu'on fait ensemble sur lesquelles les sourires se figent, qu'on regarde un soir 10 ans plus tard en pleurant sur ceux qui sont plus là, en riant sur les conneries d'avant.
Pour la famille et les vrais amis seulement. Juste pour les souvenirs qui me sont si chers et que je ne cesse d'accumuler.

Pour ce gars de mon lycée qui s'est suicidé ce week-end.
Pour les larmes qu'il a fait couler sur les joues de ses amis qui n'ont rien vu arriver.
Pour tous ceux qu'on a vu passer dans les couloirs avec les yeux gonflés, rouges, et parce qu'on aurait voulu les consoler même si c'est impossible.
Pour la fille pour laquelle il s'est suicidé, qui doit se sentir tellement coupable.
Pour les coeurs que l'amour brise, alors qu'on croit toujours que c'est beau comme dans Walt Disney.
Pour un lycée en deuil, et un futur cimetière rempli de lycéens en larmes, pour un ado mal dans sa peau, et qui aimait trop.
Pour la grand mère de Lili, décédée ce week-end.

Parce que dans ma famille réunie je me suis sentie bien, si l'on met de côté ce petit pincement au coeur d'être la seule de la famille célibataire, quand on me dit que pour le prochain mariage on réserve une place pour l'amoureux potentiel...
Parce que je ne sais plus si je me place du côté des enfants, ou des adultes.
Parce que j'ai toujours eu du mal à trouver ma place dans cette famille.
Parce que mon père abuse de son pouvoir.
Parce que ma mère se laisse marcher sur les pieds, et qu'elle est jamais contente.
Parce que j'en ai ma claque des problèmes de ce genre, quand d'autres ados en viennent à se suicider pour bien pire.

Parce que la journée d'aujourd'hui m'a fait réfléchir.
Parce que je souffre au fond, pour les parents de Nicolas, pour ses amis, pour tous ses proches.
Même si je ne le connaissais pas, je l'ai sûrement croisé au lycée, laissé passé à la cantine, je me suis forcément assise sur la même chaise que lui une fois, j'ai peut-être déja parlé à un(e) de ses ami(e)s...
Parce que j'ai cotoyé la mort de près, et qu'il cachait tout derrière un sourire.

Parce que merde, à 17 ans, on est censé vivre, on est censé rire, passer son bac, voir ses potes et fuir ses parents.
Et lui il était amoureux, elle l'a laché, il a craqué, et maintenant, hein? Maintenant c'est trop tard.

Pendant que toutes les familles fêtaient Pacques, lui il posait son flingue sur sa tempe.
Parce que pour appuyer sur la détente il fallait vraiment qu'il soit motivé.
Fallait vraiment qu'il ai mal... Tellement mal...

A bien y réfléchir, David à côté, Kat et lui, c'est... c'est rien. Rien du tout.
Ca ne vaut rien. Même pas la peine que je m'y attarde.
Parce que je sais qu'aucun des deux n'irait jusque là un jour.
Parce que, c'est con me direz-vous, mais pour moi c'est une preuve d'amour, que Nicolas se soit suicidé.
C'est lâche, c'est con, débile, stupide, crétin, tout ce que vous voulez.
Mais il était forcément amoureux.
Seulement maintenant que son ex l'a réalisé, c'est trop tard.

Parce que Lili, Nicolas, et ce film, La Cité de Dieu, c'est est trop pour une seule journé.
Trop de mort, de violence, d'arme à feu, de sang, et d'injures (film rythmé à coup de "hijo de puta")
Trop pour ma sale période.
Trop dur pour le moral, trop de larmes, trop de prise de consciences, et cette grosse révolte intérieure qui me tient sur les nerfs depuis ce matin, cette envie de crier que c'est injuste, tout autant que ces maladies comme le sida, que personne ne souhaite avoir, et qui s'acharne à pourrir des vies, sans qu'on puisse rien y faire.

On m'avait dit tu verras, le lycée c'est tes plus belles années.
On m'avait dit l'adolescence c'est compliqué mais c'est sympa quand on y repense.

C'est compliqué, ouai, mais je savais pas que c'était à ce point.

Regarder les vieilles photos de famille tous ensemble, c'était chouette.
Sentir monter l'amertume que mes soeurs soient parties de la maison quand j'étais encore petite, ne plus avoir aucun souvenirs sinon les photos, avoir rêvé toute mon enfance qu'elles reviennent pour pouvoir vivre un peu avec elle de ces jolis moments qu'elles m'avaient raconté.
Entendre ma mère se planter 4 fois de prénom avant de prononcer le mien quand elle m'appelle.
Me sentir comme un fardeau sur les épaules de mon père, quand il dit qu'il éspère me voir partir bientôt, et qu'il m'interdit d'aller au ciné avec mes soeurs ce soir parce que quand-même c'est l'année du bac.
C'est moins chouette.

Mais j'ai aucune raison de me plaindre. AUCUNE.
Et je m'en interdit.
Le temps de digérer le fait qu'on puisse se suicider d'en avoir marre de vivre.

C'est injuste, tellement injuste, qu'il en soit arrivé là.

Parce que j'aurais aimé le connaitre.

Tout fout le camp.
Et tant pis si je comprend pas tout à la vie, ce soir ça va trop vite pour moi, je suis déstabilisée...
Et le reste... Simon, les autres, n'ont plus aucune importance

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